Bonjour à toi ami aventurier. Je m’excuse de ne pas encore avoir publié de nouvel article depuis un petit moment mais entre la saison dans le Pantanal, la forêt Atlantique et le Panama j’ai beaucoup bougé ces derniers temps. Je vais pouvoir te faire partager ces expériences dans plusieurs articles.
Il y a quinze jours, j’ai eu le privilège de pouvoir observer un oiseau hors du commun que peu de personnes ont pu avoir la chance de voir dans son habitat naturel : la Harpie féroce, parfois appelé aigle Harpie ou « Harpy eagle » en anglais.
Car quelle chance, il y a un nid de Harpie féroce en activité à quelques pas du Pantanal ! Enfin au niveau brésilien car il faut compter entre 4h et 5h de routes et de pistes. On peut dire que nous sommes vraiment gâtés par la nature dans le Mato Grosso !
Alors ne perdons pas de temps, allons tout de suite aux présentations.
La Harpie féroce Harpia hapija est le rapace le plus impressionnant et le plus puissant d’Amérique latine car avec des mensurations XXL, on ne reste pas de marbre devant la bête.
Les femelles sont plus grandes que les mâles. Elles ont un poids compris entre 6 et 9kg tandis que les mâles pèsent entre 4 et 6kg. Les femelles sont donc environ 35% plus grandes que les mâles. C’est grâce à ce dimorphisme sexuel que l’on peut identifier le mâle de la femelle car niveau couleur c’est plutôt identique.
Taille : entre 86cm et 1,07m ;
Envergure : entre 1,76m et 2,24m
Les pattes de l’aigle harpie peuvent être aussi épaisses que le poignet d’un petit enfant et ses serres arrières incurvées sont plus grandes que les griffes d’un grizzli avec 13cm de long !
Malgré ses mensurations hors normes, la Harpie féroce est déjà placée comme vulnérable sur la liste de l’IUCN (Union International pour la Conservation de la Nature). Comme pour la plupart des animaux, c’est l’action de l’homme qui représente la plus grande menace à la survie de ce géant des airs.
Où peut-on observer la Harpie ?
A l’origine, son aire de répartition s’étendait du Mexique jusqu’en Argentine, aujourd’hui les meilleurs endroits pour observer ce colosse volant sont le Brésil, le Pérou, l’Équateur et le Panama.
De par la taille du pays, c’est au Brésil que se trouve la plus grande concentration d’Harpies féroces de la planète.
Alors voyons voir de plus près le comportement de notre amie (j’espère que c’est notre amie parce que vu sa taille, hein !)
Finalement, ce n’est pas facile d’observer le deuxième plus grand rapace des Amériques (derrière le Condor des Andes Vultur gryphus). Plutôt discret, la Harpie féroce est silencieuse en vol et c’est dans son nid que l’oiseau se fait le plus entendre avec un cri similaire à de nombreux accipitridae : wiiiiii !
Les nids sont construits très haut dans les arbres entre 30 et 50 mètres de hauteur avec des banches bien séparées. Ben oui, sinon la Harpie fait comment pour rentrer chez elle ?
La structure du nid est composée de branches, qui sont ensuite garnies avec des feuilles et de la mousse.
La période de reproduction de la Harpie s’étend de juin à novembre et la durée d’incubation est de 30 jours. La ponte a lieu tous les deux ou trois ans.
Un seul petit voit le jour car la femelle stoppe la couvaison dès la première éclosion
C’est après 6 mois que le jeune effectue son premier vol, cependant il reste avec ses parents qui continuent de l’alimenter jusqu’à l’âge d’un an.
Sur les photos le petit Harpie est âgé de pratiquement 4 mois. Je ne pourrais sans doute pas aller voir le premier vol car je serais dans le Pantanal. J’ai quand même une bonne excuse, je serai sur les traces du jaguar avec plusieurs groupes d’affilés.
Au fait, que mange la Harpie ?
C’est un super prédateur donc, pour se nourrir, notre géant des airs a besoin de chasser. Principalement, des animaux arboricoles comme les singes araignées (pourtant le plus grand d’Amérique du sud), les singes hurleurs ou des paresseux son animal préféré.
En règle générale, la Harpie peut soulever des proies d’une masse corporelle équivalente à la sienne, et il n’est pas rare que l’oiseau capture une proie de plus de 7 kg.
Avec sa taille XXL, on peut penser que l’oiseau a besoin d’espace, compte tenu de son envergure, mais il est tellement agile qu’il peut évoluer à basse altitude dans les forêts tropicales et ce sans problème. Il peut même atteindre des pointes de 80 km/h. Notre rapace est donc un chasseur redoutable.
Souvent, on entend dire dans des reportages et notamment le dernier en date de la BBC sur la Harpie, que celle-ci est vraiment dépendante des proies arboricoles et que la déforestation galopante va entraîner sa disparition car elle n’arrive pas à adapter son menu. Il faut savoir que dans les zones déforestées de 50 à 70%, les petits Harpie finissent par mourir de faim faute de proies.
C’est bien sûr une mauvaise nouvelle que l’on connaissait déjà mais j’ai pu observer moi-même que ce n’est pas tout à fait exact. Un motif pour rester optimiste sur la préservation de l’animal étant qu’à l’inverse de ce que l’on pensait jusqu’à présent, la Harpie arrive justement à adapter son alimentation.
Les alentours de la zones où se trouve le nid que j’ai pu observer cette fois-ci ont déjà un peu souffert de l’action de l’homme et il n’y a ni singes araignées ni paresseux dans la région. J’ai noté que la Harpie se nourrissait de singes locaux (hurleurs et capucins) mais aussi de pas mal de tatous et d’agoutis qui ne sont pas arboricoles du tout !
Quelle est la meilleure solution pour protéger la Harpie ?
Au Brésil le « projeto Harpia » et l’ONG américaine « The Peregrine Fund » avec l’aide de plusieurs biologistes et volontaires font un travail de longue haleine pour identifier les nids de Harpie et pour sensibiliser les fermiers et propriétaires terriens de la région.
Pour commencer, les ONG offrent 500 réais (une centaine d’euros) à chaque personne indiquant la présence d’un nouveau nid puis les fazendeiros s’engagent ensuite à préserver la forêt et les nids d’Harpie existant sur leurs terres en échange d’une redistribution d’une partie des bénéfices réalisés par les agences de tourismes.
Aujourd’hui au Mato Grosso, le tourisme pour observer le jaguar dans le Pantanal vaut 56 fois plus que les pertes subies par les fermiers sur leurs troupeaux de bovins. En 2022, il semble que le tourisme soit également l’un des chemins à prendre pour la sauvegarde de l’espèce Harpia harpyja.
Et est-ce que tu savais ?
Les Harpies restent perchées longtemps sur leur branche sans faire de bruit. Le rapace peut relever ou baisser ses plumes au niveau de la tête. Lorsqu’il remonte ses plumes, on dit qu’il utilise son disque facial. Celui-ci sert à rediriger les sons de la forêt rapidement vers ses oreilles. Un peu comme lorsqu’on enroule sa main autour de son oreille pour mieux écouter. Cela permet à l’animal d’être encore plus précis pour chasser.
Mais alors comment la Harpie fait ça ?
La Harpie possède l’une des meilleures vue du règne animal. Elle peut voir des animaux d’une taille de 3 centimètres à une distance de 200 mètres et perçoit les détails à un niveau 4 fois supérieur au nôtre.
Je ne suis pas jaloux, car de toute façon, sans mes lunettes ça en est fini pour moi !
C’est en partie grâce à ses yeux beaucoup plus larges que la moyenne pour un animal de sa taille que la Harpie est dotée d’une telle vue. C’est environ 1,4 fois mieux que pour un oiseau du même poids (comme le cygne par exemple).
De plus la base de l’œil de la Harpie est en forme de tube, cette forme de tube permet de former une image plus large au niveau de la rétine de l’oiseau. Les aigles ont en général une fovéa plus grande que celle des autres oiseaux, on appelle fovéa la tache jaune de la rétine où la vision est la plus nette. La fovéa de la Harpie lui procure donc une netteté d’une précision incroyable.
Et bien non, ce n’est pas tout. La Harpie a une deuxième fovéa qu’on appelle « fovéa peu profonde » à l’arrière du tube qui forme la base de son œil. Très peu d’animaux au monde possèdent deux fovéas. Cela veut dire que niveau clarté et netteté, on ne fait pas mieux, mais aussi que la Harpie voit en fait deux images bien nettes simultanément. Une à 45degrés et une à 15 degrés de son axe crânien.
Et alors ?
Alors, c’est la raison pour laquelle on observe souvent le rapace tourner la tête plusieurs fois en regardant le même objet (ou future proie) cela permet de faire une seule et même image avec la fovéa profonde et la fovéa peu profonde.
C’est aussi pour cette raison que la Harpie se projette en vol circulaire et non en vol direct sur sa proie au moment de la chasse.
Ok, et pourquoi Harpie féroce ?
Le mot harpie est une référence à 3 divinités dans la mythologie grecque et romaine. Elles apparaissent dans « l’Odyssée », dans le récit de « la quête de la Toison d’or » et dans « l’Énéide ».
Monstres au corps d’oiseau et au visage de femme, les Harpies sont les instruments de la vengeance divine.
Il vaut mieux donc être dans les petits papiers de madame Harpie !
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